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Ilhan ☆

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17 octobre 2007

Chapitre 4.

Chomei, il a dit qu'il m'appellerait. Mais. Au moment où on aurait dû se séparer, j'ai pas pu. Parce que je savais qu'il faudrait que je rentre chez moi, que qu'une fois là bas, je serais seul. Et que j'avais pas envie d'être seul. D'autant plus que comme dit, le jeune homme m'était très sympathique. Parce que je suis quelqu'un d'assez instinctif avec les gens. Et si je me sens à l'aise ou juste bien avec eux, c'est que c'est des gens plutôt chouettes. En général, je me trompe pas. Et donc, comme j'étais à l'aise avec lui, bah j'ai pas eu envie qu'on se quitte comme ça, alors je lui ai demandé si ça l'embêtait si je venais assister à son cours.

Il était prêt à partir déjà, lui, alors il s'est retourné vers moi, un air surpris, me demandant si j'étais intéressé, mais a dit qu'il n'y avait aucun problème et que je pouvait assister au cours. Bien évidemment, comme je ne suis pas un passionné d'anatomie humaine, je lui ai dit que j'étais juste pas motivé pour être seul chez moi. La franchise est mon péché. Mais lui je crois que son péché, c'est le manque de motivation, parce qu'il a proposé de sécher le cours et de se promener avec moi. Bien sûr, ne voulant pas avoir son échec scolaire sur la conscience, j'ai un peu hésité, mais puisqu'il m'a dit être assez sûr de lui dans cette matière, j'ai dit d'accord. Après tout, c'était moi qui, à la base, ne voulais pas rester seul, et comme il me proposait mieux que d'assister à un cours d'anat' auquel je n'aurais de toutes façons rien compris, j'ai accepté. J'suis pas totalement con non plus, hein.

Pendant qu'on marchait, il m'a dit que l'anatomie, c'était un des seuls cours qui l'intéressait. Ca m'a surpris qu'il fasse médecine alors, et qu'il propose de se sécher comme ça, et donc, j'ai demandé pourquoi il avait choisi de faire médecine, justement. Il m'a parlé de son envie de faire des recherches dans le domaine. Et étant un gros curieux, j'ai demandé s'il avait des raisons particulières, parce que… on sait jamais, le familial peut beaucoup influencer sur les motivations des gens, hein. Un parent malade, ou que sais-je. Etant moi-même la seule personne atteinte d'une maladie sérieuse, et pas vraiment guérissable de ma famille, je sais pas trop comment ils le prennent autour de moi. Mais je suppose que si Eve avait été malade, j'aurais voulu faire mon possible pour l'aider. Comme elle l'a fait pour moi. Je lui ai jamais dit merci correctement, d'ailleurs. Mais je pense que mes sourires valaient tous les mercis que j'aurai pu lui dire. Hem. Non, je ne suis pas prétentieux, et non, je ne pense pas avoir un sourire qui vaille des millions. Mais Chomei, il a dit qu'il avait pas de raisons particulières, qu'ils aimerait juste trouver des trucs permettant de sauver des gens. Et comme je sais de quoi il parle, j'ai poussé un gros soupir.

"Ca te plairait aussi ?" qu'il m'a fait.

"Et comment…" que j'ai répondu. "Les médocs que j'ai pris avant et que t'as eu la gentillesse de pas demander ce que c'était, bah, j'en suis dépendant si je veux pouvoir vivre à peu près normalement."

Mais je me plains pas. Trop. Parce que maintenant, au moins, j'en ai des médocs. Mais jamais je serais parti seul si je les avais pas eu. Je crois que je serais resté sur mon île, que Eve en aurait eu marre de moi au bout d'un moment, et que j'aurais certainement été placé en foyer quand mes parents n'auraient plus pu s'occuper de moi. Bon sang empêchez-moi de penser, je me fous le cafard tout seul. J'ai du bol de les avoir en fait, ces foutues pilules. Elles me sauvent pas mal la mise, au final. Même si c'est un poison en même temps, parce que je ne peux malgré tout pas être autonome. Et moi, c'est ça que je voudrais : être autonome. A dix-sept ans, il est temps que j'y songe. Mais je peux pas. Parce que je suis un narcoleptique à la con, et que donc, à moins qu'on ne trouve un médicament contre la maladie, je suis condamné à rester dépendant jusqu'à la fin de ma vie. Dépendant de ma famille, et de mes amis. Ou même dépendant de n'importe qui dans la rue, qui aurait la gentillesse de me ramasser au cas ou je fais une jolie petite crise en passant, comme ça.

J'aime bien Chomei, déjà là, alors que je viens tout juste de le rencontrer. Parce que à chaque fois que je pars dans des pensées pas cool, il m'en sort. Je sais pas s'il le fait exprès ou si c'est naturel, chez lui. Mais moi, ça me fait du bien. Il doit avoir une sorte d'instinct. Ou juste… Peut-être qu'il est plus attentif que je ne l'ai jamais été… Bref. En tous cas, il reprend la parole et continue la discussion là ou on l'avait laissée.

"Qui sait ? Peut-être que c'est moi qui trouverai de quoi te soigner…"

Mon sourire est revenu aussi sec. Parce qu'il est chou, Chomei. Il trouve les mots qui font sourire, faut croire. En tous cas avec moi. Peut-être qu'on est reliés télépathiquement ? Ou peut-être qu'il a juste la classe. Ouais. Ca doit être ça. Je me l'explique pas autrement.

"Ca serait bien, tu pourrais me faire un prix."

"Je sais pas…" qu'il m'a fait en faisant mine de réfléchir.

"Bah. T'aurais raison de me faire raquer. J'ai ce qu'il faut pour."

On s'est souri. Il a ajouté que c'était pas tombé dans l'oreille d'un sourd, puis il a demandé où je voulais aller. Et dans un premier temps, j'avais envie de rentrer. Alors je le lui ai fait savoir, évidemment. Parce que j'avais des trucs à déposer. Ce que j'avais acheté avant de le rencontrer, et ce que j'avais aussi acheté après, à la pharmacie. Juste après l'avoir rencontré, en fait.

Et Chomei, bien élevé, et toujours soucieux des autres, il a demandé si je voulais qu'il attende là. C'est sûr, tout le monde ne voudrait pas d'un inconnu tout juste rencontré chez lui. Mais moi, ça me dérangeait pas, parce que comme dit, je me sentais bien à l'aise avec lui. J'aimais bien l'impression générale qu'il dégageait. Et donc j'ai dit que non, au contraire.

"En plus, je peux te proposer un coca sans Mandy-barmaid. Ni ses seins dans ta tronche."

Il a ri en silence, une main fine devant ses lèvres, avant de remettre une mèche châtaine derrière son oreille, puis a rangé ses mains dans ses poches. Et moi, je l'ai emmené chez moi. C'était pas loin, y'avait juste à traverser une rue. Puis bon, bah je vous passe les détails, c'est un appart, je l'ai fait entrer, pas besoin de m'étendre dessus, c'est commun. Comme d'habitude, en entrant dans l'immeuble, j'ai ouvert d'un coup d'épaule, parce que sinon, j'ai pas assez de force pour. Mais on ne se moque pas. Chacun sa merde. Je me moque quand vous geignez que vous devez perdre du poids, tous les matins en vous pesant ? Non. Alors moquez-vous pas non plus.

Ensuite, bah, mon appart étant au premier, il a fallu monter les escaliers. Je vous raconte pas la galère. A chaque fois, je flippe tout ce que je peux. Et en arrivant en haut, je m'arrête toujours, la main crispée sur la rampe. Et au cas où il se poserait des questions, je lui ai dit, directement.

"C'est une aventure à chaque fois… Suffit que je fasse une crise et je suis à l'hosto."

J'ai pas pensé à préciser de quoi, la crise. Parce que j'ai tellement l'habitude que les gens soient au courant que forcément, je précise pas que je suis narcoleptique. Mais lui il savait pas, alors il a demandé, sur un ton doux.

"Des crises de quoi ? Enfin, je comprendrais que tu veuilles pas en parler…"

"Narcolepsie."

Moi, ça me gène pas d'en parler. C'est ma petite tare, comme d'autres ont des verrues sur la plante des pieds. Je fais avec. Parfois en grinçant des dents, mais je fais avec quand même. Après tout, jusque là, c'est pas comme si j'avais le choix. Et comme il répondait rien, et se contentait d'avoir un air surpris, mais poli, bah j'ai continué.

"Et encore, maintenant y'a des médocs, ça me permet de vivre à peu près normalement. Mais quand j'étais gosse, je pouvais rien faire..."

Il m'aurait demandé de lui raconter ma vie que je l'aurais fait. Pourquoi, je sais pas. Comme dit, il me mettait en confiance. C'était assez fou à quel point, d'ailleurs. Surtout que je venais de le rencontrer. Mais dès le début, notre relation a été plutôt fusionnelle. J'avais l'impression de l'avoir toujours connu. Ca doit être pour ça que tout est allé si vite.

Une fois toutes mes petites affaires déposées, je me suis retourné, pour lui faire face.

"Ayé. Coca ?"

"Je veux bien… Tant que tu me refiles pas une nana pénible avec." Qu'il m'a dit avec un sourire.

J'ai souri aussi, et puis on est descendus. Moi, j'avais la main totalement crispée sur la rampe. Même s'il y a les médicaments qui aident maintenant, et que je ne risque pas de faire de crise en plein milieu, c'est une hantise qui est restée. Ca m'est arrivé une fois, de tomber dans les escaliers. Heureusement, ma super maman m'a rattrapé avant que je ne me cogne sérieusement la tête.

Mais revenons-en à nos moutons. Non, je n'avais pas l'intention de lui servir une nana pénible avec. De toutes façons, j'aurais voulu que j'aurais pas pu, étant donné que je n'avais pas de nana pénible sous la main. Avouez que ça compromet les chances de lui en refiler une. C'est ce que je lui ai dit, d'ailleurs, tout en descendant les escaliers, avec, comme toujours, la main crispée sur la rampe. J'aime pas ça, les escaliers. Vraiment pas.

Il a répondu que ça ne le dérangeait pas. Tant mieux, j'avais pas l'intention de courir les rues pour lui en trouver une, faut pas charier non plus. Je veux bien être gentil, mais je suis pas totalement con. Par contre, je lui avais promis un Coca, alors il aurait un Coca. J'ai donc fouillé dans le frigo, pour lui sortir une canette contenant la boisson promise. Et moi, j'ai fait comme d'habitude : je me suis pris un verre de jus de citron. J'aime bien, comme boisson. C'est acide, et ça me fait me sentir bien vivant. J'adore.

D'un geste, je l'ai invité à s'installer à mon espèce de petit bar, qui me sert de table à manger, entre autres. Il s'est assis, donc, et a ouvert sa canette, avec une attention toute particulière, et un peu exagérée, comme s'il était super maniéré. Ou bien qu'il avait peur qu'elle lui explose à la tronche. Mais je suis pas du genre à secouer les canettes. Surtout pas quand elles sont dans mon frigo, je serais franchement con si je secouais mes propres canettes. Mais je ne m'en offense pas, il me connait pas, après tout. Il sait pas si j'aime me prendre des douches de coca ou pas. Donc je peux comprendre qu'il soit méfiant.

Je me suis installé à côté de lui, les mains autour de mon verre parce que j'aime bien, ça rafraîchit, c'est agréable. Il y a eu un silence confortable, pendant un moment. Lui buvait son coca tranquillement, et moi j'avalais de petites gorgées de temps en temps, et je sais que je grimaçais après, à chaque fois, parce que Chomei, il souriait quand il me voyait faire de drôles de têtes. J'en ai un peu rajouté exprès, j'avoue. J'ai laissé le silence se prolonger un petit moment, parce que c'est reposant, c'est apaisant. Il met à l'aise, Chomei. Et puis quand même, j'ai parlé.  Parce qu'il y a une pensée qui m'a traversée l'esprit, et que du coup, je ne pensais plus qu'à ça. C'était super personnel, et j'étais un peu mal à l'aise. Mais il fallait que je pose la question.

"Dis... je sais que c'est pas mes affaires, mais... Si tu t'es tellement énervé contre Mandy-barmaid, c'est parce que tu es concerné ?"

Il a eu l'air surpris. Et je le comprends. A sa place, je l'aurais été aussi. D'autant plus que ça venait de nulle part. Il est resté silencieux pendant un petit temps, mais finalement, il a hoché la tête en silence. Et comme un con, j'ai fait pareil, et je suis revenu à mon verre, ma curiosité assouvie. Mais je me sentais stupide quand même, un peu. Donc j'ai reporté mon attention sur mon verre, parce que ça me permettait de ne pas me sentir totalement comme un gros curieux qui venait de se mêler précisément de ce qui ne le regardait pas. Et j'espérais très fort qu'il ne soit pas mis mal à l'aise, ou qu'il pense que c'était chose commune, chez moi, de me mêler de pas mes affaires. Le silence s'est prolongé, parce que Chomei ne disait rien non plus.

Autant avant, le silence était confortable, autant là, il me pesait. Parce que je ne savais pas ce qu'il pensait, parce que j'avais peur qu'il y ait un malaise, ou que sais-je... On ne sait jamais comment pensent les gens quand on ne les connait pas bien. Je me sentais franchement trop comme un con, et je ne voyais pas quoi dire. Mais en même temps, ce foutu silence, je pouvais plus le tolérer. Alors j'ai pris le taureau par les cornes et mon courage à deux mains par la même occasion, et j'ai repris la parole, aussi.

"Alors c'est d'autant plus une grosse conne."

Mais Chomei, il m'a souri, simplement. Et il m'a dit que s'il avait été hétéro, il lui aurait aussi fait la remarque. Là, c'est moi qui ai souri.

"T'aurais été moins rapide, c'est moi qui l'aurais faite. Mais j'ai préféré reprendre mon souffle avant."

Bah oui, j'ai quand même failli mourir à cause de la remarque de Mandy-barmaid. Il a ri, doucement. Et j'ai remarqué que son visage était bien plus chaleureux quand il sourit, ou quand il rit. Ca m'a apaisé sans que je sache pourquoi.

Chomei m'a adressé un sourire tendre. Et m'a dit que cette fille là, elle ne valait pas le coup qu'on s'énerve. J'étais assez d'accord avec lui. Il y a eu un silence, encore une fois. Mais il n'était pas aussi détendu que les premiers. Du coup, j'ai sorti la première connerie qui m'est passée par la tête. Je me souviens pas exactement quoi. Une histoire de faire péter le bar, un truc dans le genre. 

Il a eu l'air un peu surpris, je pense pas qu'il ait vraiment compris que je disais juste une connerie comme ça, pour détendre l'atmosphère. Il m'a dit que je devrais apprendre à être plus blasé, que si je m'enflammais comme ça pour tout et n'importe quoi, j'allais me pourrir la vie. Il avait raison, au fond. Sauf que j'étais pas sérieux. Je songerai jamais à faire péter un bar, je suis pas débile à ce point. Déjà, je suis pas terroriste. Et puis, je sais pas faire péter des bombes. Et franchement, entre nous, j'ai pas que ça à foutre. Mais au lieu de lui répondre ça, j'ai plus tilté sur le fait qu'il me disait que j'étais pas assez blasé. Je sais pas. Quelque part, ça m'a fait un peu mal. Je pense que c'est parce que je suis quelqu'un de blasé, et que si je l'étais pas, je passerais ma vie à chialer à cause de la merde qui m'est tombée dessus. Mais je chiale pas, j'assume.

"Je suis blasé. Mais ça me pourrit la vie quand même."

Il est resté silencieux pendant un petit moment. Je ne sais pas s'il a bien compris ce que j'ai voulu dire, et si ça a jeté un froid, ou pas. Mais après, il a repris la parole.

"Hm... Mais quoi que tu fasses dans la vie, tu finis par t'en prendre plein la gueule."

Je lui ai dit que je savais, que je parlais pas de moi. En tous cas, je ne parlais pas que de moi. Sérieusement, je pensais aussi aux gamins qui n'ont pas d'autre choix que de se prostituer. Même si le quartier dans lequel j'habite ne craint pas trop, bah j'en vois pas mal, le soir, en regardant dehors. Des putes. Plein de putes. Des garçons, des filles, des jeunes comme des moins jeunes. Ces gens là, ils devaient certainement s'en prendre de bien belles dans la gueule aussi. Et je le lui ai dit. Lui, il a répondu par une banalité qui m'a laissé un peu pensif. Je pensais pas qu'il était du genre à sortir des trucs aussi évidents.

"On trouve toujours pire situation que la sienne. Et toujours une meilleure aussi."

Par contre, j'ai bien aimé ce qu'il a ajouté : "En fait, faut pas penser. Pas réfléchir."

Mais quand même. Des fois, penser, ça aide. Je l'ai dit, et puis j'ai gesticulé sur ma chaise, parce que de nouveau, Chomei se taisait, et que ces silences là, ils me rendaient nerveux. J'ai joué avec les cheveux aussi, je crois. Je sais pas pourquoi ça me mettait tellement mal à l'aise. Par contre, Chomei, ça n'avait pas l'air de le perturber plus que ça. Il a fini son coca l'air de rien, et pour ne pas me sentir trop con, j'ai vidé mon jus de citron aussi. J'aime pas avoir mon verre encore plein quand les autres ont fini le leur. Ou leur canette, c'est du pareil au même de toutes façons.

J'ai pensé à Eve. Eve et ses grands yeux noirs. Eve et la mèche verte qui est assortie à une des miennes. J'y ai pensé, justement parce que ma mèche est passée devant mes yeux. Je me suis senti triste, minable. Mais pas seul. Pas seul, parce qu'il y avait Chomei. Même si je ne le connaissais pas, il m'offrait en étant là le réconfort que la présence de quelqu'un peut apporter, quand on est seul, dans une grande ville, dans un pays différent du sien. J'ai regardé Chomei, et j'ai pensé à Eve. Je me suis dit qu'ils se seraient certainement pas entendus, qu'ils se seraient chamaillés tout le temps, mais qu'au fond, ils se seraient bien aimés, même si aucun des deux n'aurait eu envie de l'avouer. Je me suis fait mon petit film. Et si notre duo avait été un trio, et si Chomei partait avec moi, quand je retournerai à Haïti. Et si, et si... Et tout naturellement, en pensant à Eve et moi, je me suis demandé si lui, si Chomei il avait un copain. Donc je lui ai posé la question.

Il a eu l'air un peu surpris, ce qui se comprend, vu que pour lui, ça devait sortir d'un peu nulle part. Un silence, et puis je le harcèle au sujet de sa vie privée, je lui pose des questions dont les réponses ne me regardent pas, des réponses qu'il n'a pas forcément envie de partager avec moi, avec un inconnu, avec un type bizarre, tout maigre, auc cheveux multicolores. Ce se comprendrait. Mais non. Chomei, il a levé la tête vers moi, et m'a regardé un moment. Et puis il l'a secouée, sa tête.

"Non. Pas depuis un moment à vrai dire..."

"Par choix?"

Moi, et ma curiosité. Mon tact. Ma délicatesse. Tous légendaires. Du coup, je me suis empressé d'ajouter quelque chose.

"Oui, je sais, je suis curieux. Et si je t'emmerde, tu me fous une droite, et je décolle à l'autre bout de l'appart. Mais au moins, je fermerai ma gueule."

Ca l'a fait rire. Au moins, là, il a compris que je faisais une blagounette. Je me suis senti soulagé, du coup d'ailleurs. C'est fou comme avec juste un petit rire, il arrivait à m'apaiser. Pourquoi je parle au passé? C'est toujours le cas.

"Disons que j'essaie de me concentrer sur mes cours en ce moment. Et toi?"

J'ai hésité. J'ai vraiment hésité. A lui dire, et puis une fois que je me suis décidé à lui parler d'Eve, j'ai hésité au niveau de la réponse. Est-ce qu'elle était encore ma copine, malgré les kilomètres qui nous séparaient? Malgré notre séparation? Je sais, c'est con du coup, de me poser la question. Mais j'ai toujours eu tellement l'habitude de répondre à cette question par l'affirmative que le "oui" a failli sortit tout seul. Et puis j'ai secoué la tête.

"Nan... J'avais une copine, à Haïti, mais on s'est séparés avant que je vienne ici."

"Oh. Désolé..."

Il avait l'air vraiment désolé, en plus. C'était choupi. Et puis il a ajouté :

"... Je me demandais d'où tu venais. C'est plutôt rare de voir quelqu'un d'aussi bronzé que toi. Même avec les machines à UV. Elles rendent orange. Toi t'es pas orange."

"Le plus rare, c'est pas les gens bronzés, que je lui ai dit. Le plus rare, c'est des gens avec des cheveux comme les miens."

Bah ouais. J'en suis fier, de mes cheveux arc-en-ciel. Je lui ai souri, et j'ai ponctué ma phrase d'un clin d'oeil. Je crois que lui aussi, il les aimait bien, mes cheveux.

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17 octobre 2007

Chapitre 3.

J'ai cherché mon sac, et pris un taxi. Je peux pas prendre les transports en commun, c'est pas raisonnable. Ca m'a coûté les yeux de la tête, mais au moins je risquais pas de rater mon arrêt.

Une fois dehors, j'ai fouillé dans mes poches pour sortir la clé qu'il y avait dans l'enveloppe que mes parents m'ont donnée à mon anniversaire. Et je suis entré dans mon nouvel appartement.

C'est un grand appart, j'avoue. Grand, froid et impersonnel. Avec des murs blancs, et une déco design noire. J'ai soupiré. Ca allait être joyeux de vivre là-dedans tout seul.

L'entrée était située au salon, qui était séparé de la cuisine par une sorte d'îlot central, qui servait certainement aussi de bar, vu les chaises design (noires) qui étaient posées devant. Un canapé d'angle, une télé contre un mur, et une lampe halogènes dans un coin. La cuisine n'avait pas de table, j'en ai donc déduit que j'étais supposé manger au bar. Soit. Un comptoir noir, un frigo noir, un évier noir, et des murs blancs.

Plus loin, la salle de bains. Carrelage noir au sol et sur les murs, plafond blanc, baignoire d'angle encastrée dans le sol, et un miroir sur toute une longueur de mur. Une douche aussi, dans un coin. Grande. J'ai jeté un œil à la baignoire, et j'ai vu qu'elle faisait jacuzzi. Mes parents avaient pas fait les choses à moitié, pour changer.

J'évitais de penser au prix exorbitant que l'appart avait dû leur coûter, et je suis entré dans la chambre. Bon, ça puait moins le luxe, mais elle était quand même assez vaste. Le lit était simple, le cadre en bois noir, pour changer. Y'avait une armoire posée en face du lit, et j'ai pas eu besoin de l'ouvrir pour savoir que toutes mes affaires moins celles dans mon sac étaient déjà dedans.

Pareil, j'ai pas eu besoin d'ouvrir le frigo pour savoir qu'il était plein, et que dans la salle de bains, l'étagère derrière le miroir au-dessus du lavabo était pleine de savons, shampoings, mousse à raser et autres joyeusetés.

Je me suis laissé tomber sur le lit, et j'ai attendu. Je me suis dit que peut-être que si j'y pensais assez fort, quelque chose allait se passer. Ben oui. Je me suis endormi.

Quand je me suis réveillé, il était quatre heures du matin, et, grande surprise, j'avais faim. Il faut dire que je n'avais rien avalé depuis vingt quatre heures. Alors je me suis levé et je me suis fait un bol de riz. J'ai laissé la moitié et j'ai avalé une pomme. Et puis je me suis recouché.

Au début, je pensais que j'aurais du mal à me faire à la vie en ville, mais mes parents avaient pensé à tout pour que je n'aie pas à sortir affronter le froid dès le début. Du coup, j'ai passé toute une semaine enfermé dans mon appartement, à vider frigo et placards lentement, mais sûrement.

Et puis j'ai eu envie de sortir. Alors j'ai enfilé un pull bien épais par-dessus la chemise que je portais et je suis sorti. J'avais pas de but précis, et puis je me suis dit que ça serait sympa de trouver un magasin de déco, histoire de personnaliser un peu mon appartement. Donc, après m'être assuré que j'avais bien mon flacon de pilules sous la main, je suis sorti, pour la première fois.

J'avais trouvé un magasin sympa, où j'avais acheté des magnets de toutes les couleurs, pour mettre sur le frigo, et ces trucs récents en gel qu'on peut coller et recoller partout. J'allais en mettre sur mon mur-miroir dans la salle de bains. J'avais fourré le tout dans la poche ventrale de mon pull, et je me suis promené en ville encore un peu.

Je me suis senti fatigué, d'un coup. J'ai regardé l'heure à mon poignet, mais c'était pas encore l'heure de prendre mes médicaments. Du coup, je me suis un peu traîné un moment, en fonçant de temps en temps dans les gens.

En particulier, dans un quidam qui marchait, le nez dans son bouquin. Et je l'ai vu, lui, parce qu'il est plutôt grand, je pouvais pas le rater ; alors, j'ai tenté de l'esquiver, parce qu'il ne faut pas croire que j'aime bien foncer dans les gens, hein. Ou que je fais exprès, parce que c'est trop pas le cas. Non, parce que vu comment je suis moins baraqué que le commun des mortels, en général, je préfère éviter. Mais là, j'avais pas les yeux en face des trous, et j'ai pas vu qu'il trimballait un énorme sac à la main. Forcément.

Et donc, de fait, j'ai trébuché sur le sac. En temps, normal, je me serais rattrapé, au moins au vilain méchant gus qui m'a fait trébucher. Mais là, non. Fatigué comme je l'étais, je me suis pris les pieds dans mon jean trop long (c'est surtout que ça faisait un moment qu'il me tombait sur les hanches) et je me suis cassé la figure comme un con. Sur le macadam. Ca m'a réveillé tiens. Et ça m'a aussi ouvert le genou, accessoirement. Et le jean par la même occasion, logique.

Et le gus dans lequel j'ai foncé devait être au moins autant à la masse que moi, puisqu'il a mis un moment avant de se retourner. Mais finalement, il est venu, s'est accroupi devant moi a rangé son bouquin, et s'est excusé.

"Pardon, je t'avais pas vu. Ca va ?"

Réflexe, avant de répondre à mon agresseur-bien-que-malgré-lui, je me suis assis sur mes fesses pour vérifier l'état de mon genou. J'ai fait la moue en voyant qu'il saignait, et franchement, ça m'a bien gavé, parce que déjà que je risque de m'endormir partout et de me cogner ce faisant, j'ai pas besoin de m'amocher en plus. Des bleus, j'en ai bien assez. Mais comme je suis sympa, j'ai répondu quand même.

"Honnêtement, j'ai connu mieux, hein. Mais ça ira."

Il était marrant, il avait vraiment l'air tout désolé. Parce qu'il s'est excusé une nouvelle fois, et a ajouté qu'il aurait du faire plus attention. Ce à quoi j'ai répondu que c'était rien, que j'étais aussi à la masse. J'allais pas le laisser endosser toute la responsabilité de mon accident dramatique alors que moi aussi j'en suis responsable. Je suis pas comme ça, moi.

Finalement, il m'a tendu une main pour m'aider à me relever, que j'ai saisie, en espérant qu'il irait pas trop fort, parce que sinon, j'allais décoller. Mais non, il y est allé mollo. Je sais pas si c'était parce qu'il avait remarqué que j'suis maigre comme un clou, ou bien parce qu'il est pas particulièrement costaud non plus, mais bon. Le fait est que je n'ai pas décollé. Bon, faut dire aussi que comme je l'ai dit avant, c'est pas une masse de muscles, le gus en question. Plutôt tout en longueur, à vrai dire. Plus grand que moi, et moins fin aussi, mais bon, ça, c'est pas difficile, vous m'direz.

Bref, une fois debout sur mes deux gambettes, je me suis penché une nouvelle fois, histoire d'admirer l'état dans lequel se trouvait mon genou. Plutôt deux fois qu'une. Puis finalement, je me suis tourné vers lui. Déjà qu'il avait eu la gentillesse d'attendre, de s'assurer que je vais bien, et de me relever, j'allais pas continuer à l'ignorer. Je lui ai demandé s'il savait où je pouvais trouver une pharmacie. Parce que ouais, forcément, je débarque dans la ville, je sais pas où elles sont, je peux pas le rêver. D'ailleurs faudra aussi que je trouve un magasin où ils vendent des teintures pour cheveux, parce qu'il est hors de question que je redevienne brun. J'suis pas beau, en brun. Caca.

Le type, il a regardé autour de lui, comme s'il savait pas où il était. Ce qui devait être le cas, vu qu'il lisait en marchant (quelle idée). Au bout d'un moment, il m'a indiqué qu'il y en avait une dans le coin. Je lui ai fait merci d'un signe de tête, et j'ai commencé à boitiller dans la direction qu'il m'avait indiqué. Au léger bruit que faisaient les pilules contre le flacon dans ma poche, j'ai compris que le flacon était pas cassé. Soupir de soulagement de mise. J'aurais été bien embêté, s'il avait explosé dans ma poche, tiens. Vas-y pour chercher les médocs dans une poche pleine de bris de verre.

Il m'a pas lâché pour autant, il s'est approché de moi, et m'a demandé si je voulais de son aide.

"T'as qu'à attendre sur ce banc, je vais t'acheter ce qu'il faut", qu'il m'a dit.

"Nah, c'est bon. Par contre, si tu veux vraiment m'aider, aide-moi à y aller, ça serait chouette. Pour le reste, j'me débrouille, t'inquiète."

Bah ouais, je peux pas toujours dépendre des gens, faut que j'apprenne à me débrouiller seul, aussi. J'en ai jamais eu l'occasion jusque là, parce que j'étais couvé par ma mère et mon père, et puis par Eve, aussi. Mais là, maintenant que j'étais dans une grande ville, dans un pays étranger, et que j'étais seul, il fallait vraiment que je devienne indépendant. Façon de parler. Je suis toujours dépendant financièrement de mes parents, et heureusement qu'ils ont les moyens, parce que sinon, je sais pas comment j'aurais fait. Personne ne veut employer un type qui risque de s'endormir n'importe quand. Même avec les médocs, ils font pas confiance, alors… Mais bon, quelque part, je dois bien avouer que je les comprends. Je me ferais pas confiance non plus à ce niveau là.

Bref, pour en revenir à ma vie palpitante, et pas juste mes réflexions sur la vie et moi-même dans la vie, le bonhomme m'a tendu le bras, et je me suis appuyé dessus. Il a pas bronché. Faut dire, au risque de me répéter, même si j'y avais mis tout mon poids, il aurait certainement pas bronché des masses quand même. Et donc, en se débrouillant comme ça, on est arrivés à la pharmacie qu'il m'avait indiqué. Entre nous, heureusement qu'il était là, parce qu'elle était tellement petite que s'il m'avait pas guidé, je l'aurais certainement pas vue. Et donc j'aurai erré dans Pittsburgh, boitillant, et maudissant le jeune homme qui m'a foncé dedans.

Donc, finalement, on est entrés dans la pharmacie, et comme y'avait pas trop de queue, j'ai pu obtenir de quoi me désinfecter assez rapidement. Et correctement, surtout. Le temps qu'elle me ramène le tout, et j'étais dehors, accompagné toujours par le type, qui m'a une nouvelle fois tendu son bras pour m'aider à sortir. Et puis il m'a scié.

"Et si je t'offrais un verre ? Ca te permettrait de te soigner tranquillement."

"D'accord, mais pas trop loin alors…"

Bah oui, j'allais pas boitiller jusqu'à l'autre bout de la ville. En plus, ici, c'était pas trop loin de chez moi, alors s'il fallait pas se taper trop de marche pour rentrer, ça m'arrangeait. Forcément. Bref. Avec un sourire, il m'a fait oui de la tête, et m'a emmené dans un bar qui était effectivement pas trop loin. On s'est pris une table tranquille, avec deux banquettes (yes !), il m'a aidé à m'installer, et puis s'est installé en face. La serveuse, une nana avec une poitrine atomique, et certainement pas naturelle (comment elle fait pour se payer la chirurgie plastique avec un salaire de serveuse ?). Mais bref. Il s'est commandé un coca, et moi, j'ai pris un jus de pamplemousse. Parce que j'aime bien ce qui est acide. A la maison, j'ai même du jus de citron. Mais dans ce bar, ils en avaient pas, alors j'ai pris ça.

Ensuite, je me suis un peu reculé sur la banquette, pour poser mon pied dessus, et commencer à me désinfecter. Parce que qui sait combien de chiens ont pissé là où je suis tombé, hein ? Et je tiens très peu à avoir du pipi de chien dans mon corps. Aussi bizarre que ça puisse paraître… J'ai retroussé mon pantalon au-dessus du genou, ce qui n'est pas facile, vu que je ne suis pas épais, donc mes jambes non plus, et que je trouve rarement des pantalons dans lesquels je ne nage pas au moins un peu. Si j'étais petit, à la rigueur, j'irai me servir au rayon enfants, des fois, ils font des trucs pas mal, mais je suis grand, alors je suis obligé de prendre chez les adultes, qui sont tous plus baraqués que moi, et donc je nage dans mes futes.

Donc bref, j'ai fait tout ça pour regarder la blessure, et j'ai pu constater de visu, et pas à travers le trou dans mon jean que c'était pas grand-chose. J'en ai donc informé mon euh, compagnon de mésaventure ? Lequel s'est à nouveau excusé, disant qu'il aurait dû regarder où il mettait les pieds. J'aurais eu envie de l'emmerder, j'aurais dit oui. Mais comme il m'a de nouveau proposé de l'aide, j'ai fermé ma gueule, et je lui ai tendu la bouteille d'alcool avec laquelle je luttais (en vain) depuis un moment.

"Tu peux me l'ouvrir ? Je sers à rien, là…"

Normal, c'était l'heure de prendre mes médocs. Donc l'heure ou ceux d'avant avaient cessé d'agir efficacement. Donc l'heure où je sers à rien, c'est un cercle vicieux.

Il a haussé un sourcil, mais n'a rien dit, se contentant de prendre la bouteille, de faire le tour de la table, en embarquant des cotons avec, sur lesquels il a versé de l'alcool (parce que lui, il servait à quelque chose à cette heure-ci), et il a commencé à désinfecter mon bobo. Bien sûr, j'ai serré les dents, l'alcool, ça pique à mort. Mais j'ai pas bronché. J'ai été sage. Ca s'est fini assez rapidement, et après ça, il a déposé un pansement par-dessus, et j'ai limite été surpris qu'il me fasse pas un bisou magique dessus après, vu comment il m'a materné, sur le coup.

Pendant qu'il allait jeter les cotons usés, j'ai plié et déplié ma jambe, pour la tester, et j'ai baissé la jambe de mon pantalon avec moult précautions, et, sagement, j'ai rangé ma gambette sous la table. C'est à ce moment là que la serveuse, dont le badge indiquait "Mandy, barmaid" est venue nous déposer les boissons sur la table, et ses seins dans la tronche. Hum, et si je ne m'abuse, elle nous bouffait aussi des yeux. Fallait avouer qu'il était pas mal mon euh… voisin de table.

Et donc, Mandy-barmaid s'est penchée vers nous, et avec un regard langoureux, elle a susurré (oui, elle n'a pas parlé, elle a susurré).

"Je peux faire autre chose ?"

Woah, j'avais jamais vu ça. Le sous-entendu était tellement évident que la seule chose qui aurait pu être plus flagrante, c'est si elle avait demandé lequel avait l'intention de passer en premier. Mon voisin a laissé échapper un son étrange, qui ressemblait à un grognement. C'est… assez particulier, mais ma foi… Et c'est lui qui a répondu, d'une voix mielleuse, et un sourire incroyablement faux aux lèvres.

"C'est gentil à vous, mais non, merci."

Et moi, j'aurais voulu répondre quelque chose que j'aurais pas pu. J'étais trop occupé à étouffer mon rire dans mon poing. Faut dire que, hem. Non, quoi. Une fois un peu calmé, j'ai lancé un regard angélique (bien que hilare) à Mandy-barmaid qui a fait demi-tour en claquant des talons et en roulant des fesses.

On a échangé un regard qui voulait dire la même chose, puis on a commencé à boire nos boissons. Enfin, surtout lui, parce que moi j'ai pris ma drogue avant. J'ai bien vu qu'il me regardait faire, mais il a rien dit. Et rien que pour ça, et parce qu'il avait rembarré la serveuse, j'ai décidé que je l'aimais bien, ce type là. D'ailleurs, en général, j'aime bien connaître le nom des gens que j'aime bien, alors je lui ai demandé. Et il m'a répondu. Ce qui est un plus indéniable. Chomei qu'il s'appelle. Puis il m'a demandé le mien, alors je lui ai répondu. Le temps que je finisse de dire mon nom, il avait déjà fini son coca, et du coup, j'ai fini mon verre de jus, en me disant que s'il en avait marre de ma pomme, et qu'on avait fini nos verres tous les deux, il n'aurait plus de raison de s'éterniser. Je suis prévenant, moi.

Et lui de me demander si je voulais autre chose. Donc il en avait pas marre de ma pomme. Encore un point pour lui. Très fort, Chomei, très fort. Il m'a conseillé les beignets, ajoutant que ça me ferait prendre du poids, s'il pouvait se permettre. J'imagine que j'ai dû faire la moue, au moins un peu. Mais elle a pas dû être crédible, ma moue, parce que je trouvais ça chou, comment il me l'a dit. Alors j'ai souri.

"J'sais que je suis pas épais, mais quand même… J'ai l'impression d'entendre ma mère…"

Il a haussé les épaules, et a répondu que ça le changeait des gens obèses qu'il avait l'habitude de croiser. Tu m'étonnes, vu le pays, le roi du fast-food et de la malbouffe, c'est pas étonnant qu'il en croise. Chez moi aussi y'en a, tu me diras. Des fast-foods et des obèses. Mais, c'est moins fréquent quand même. Mais bref, encore une fois, je divague. Je lui ai donc répondu que j'en prendrais un s'il en prenait un aussi. C'est vrai, quoi. J'allais pas manger tout seul, quand même. Bah si. Parce que d'après lui, il n'avait pas besoin de prendre du poids, lui, et qu'il avait déjà le coca sur la conscience. Bof. Si vous me demandez mon avis, il a pas besoin de culpabiliser pour un coca. Comme dit, il est tout en longueurs, alors franchement… D'après moi, donc, il a pas de soucis de poids. Et je lui ai fait la remarque, avant de virer mon pull doublé. Et le regard qu'elle m'a lancé, Mandy-barmaid, il est pas passé inaperçu. Ca va, faites pas cette tête, j'me suis pas intégralement désapé non plus, j'avais une chemise en dessous, vous croyez quoi ?

Mais donc, pour en revenir à Chomei, il a pas eu l'air convaincu et a haussé les épaules, et a même ajouté qu'il devait faire attention ! Non mais quoi ? Il ose remettre mon jugement en cause ? Enfin bon, chacun son truc quoi. C'est sûr que les poignées d'amour, c'est pas forcément sex' non plus, hein. Cela dit, les os saillants non plus, ok, je me tais. Et pendant que je virais mon pull, il m'a commandé un beignet au chocolat. Pourquoi au chocolat ? J'en ai aucune idée. Certainement parce que tout le monde aime le chocolat. Sinon je me l'explique pas. Ah, si, peut-être que j'ai une tête à aimer le chocolat. Eve m'avait fait la remarque une fois parce que pour mon anniversaire, les gens de la classe m'avaient tous offert du chocolat. Hum. Mandy-barmaid est arrivée quasi-instantanément, comme si elle avait le don de faire jaillir une assiette avec un beignet au chocolat dessus de la paume de sa main. J'en sais rien, ça existe peut-être. J'suis un grand gosse, j'aime croire à l'impossible.

Oh, mais si je ne m'abuse, entre temps un des boutons de son chemisier s'est ouvert. La pauvre, ça doit être gênant de se ridiculiser comme ça. En plus euh… C'est vraiment tout dans la finesse. Je vois pas comment elle pourrait faire pire. Ah, si tiens. Facilement, il semble, vu le naturel avec lequel elle balance ses seins dans la tronche de Chomei. Le pauvre. Cela dit, pour ce que j'en sais, il apprécie peut-être le spectacle. Et toujours dans la finesse, elle lui susurre un "autre chose ?" aussi bourré de sous-entendus que la première fois qu'elle a posé la question. Cette fois, c'est moi qui ai répondu, parce que lui était trop occupé à…? Grogner !

"Euh, tu sais Mandy-barmaid, en général, quand les gens disent non, c'est que c'est non."

Chomei en face de moi a eu l'air surpris que je l'ouvre, mais il a souri, donc j'en conclus que je ne lui ai pas cassé son coup. Et, tout calme, tout souriant, il pose une main sur l'épaule de Mandy-barmaid, qui manque d'en défaillir pour le coup, mais son expression change bien vite quand elle remarque qu'il la repousse. Et lui, toujours calme :

"Vous direz à la direction que vous avez fait perdre deux clients à la maison, je suis sûr qu'ils apprécieront."

Il m'a sérieusement impressionné. A sa place, avec des nénés atomiques sous le nez, je sais pas si j'aurais réussi à être aussi calme et zen. Et puis il avait une sacrée classe avec son flegme genre à toute épreuve, même lors d'une obstruction de la vue par un décolleté plongé sous son nez.

Elle, elle a pincé les lèvres, l'air visiblement vexé. Tant pis pour elle, fallait pas nous faire du plat de cette manière éhontée, scandalisante et surtout pas discrète. Je crois que j'ai vu des regards de compassions venant des tables alentour. Elle se redresse et tente – je dis bien "tente" – de nous toiser du haut de son mètre cinquante à tout casser. Bon, on est assis, elle profite de son léger avantage de taille. Ca se comprend, c'est le seul qu'elle a.

"Ils s'en foutent à la direction, ils aiment pas les pédés. Je me demande comment j'ai fait pour pas m'en apercevoir."

C'est tellement petit que je manque de m'en étouffer avec mon beignet. Alors quoi ? Parce qu'on tombe pas sous le charme de son décolleté plongeant bien rempli par ses nénés atomiques, on est catalogué comme pédé ? Ca s'appelle être méchamment frustrée. N'empêche que c'est la deuxième nana à me cataloguer comme tel en peu de temps. Bon, pour appelle-moi-Amanda, je l'ai cherché en disant que je m'en fous des filles. Mais pour ce qu'elle en savait, j'aurais aussi bien pu être étudiant en théologie et vouloir entrer dans les Ordres. Hm, peut-être que si j'avais les cheveux noirs, ç'aurait été crédible. Mais quand même. Comme ça, direct, ça fait bizarre. Surtout que je venais de quitter Eve. Mais je digresse encore une fois.

Chomei ne l'a pas bien pris. Je me demande pourquoi. Il s'est redressé et cette fois, du haut de ses au moins trente centimètres de plus qu'elle, c'est lui qui l'a toisée. A sa place, je me serais faite toute petite, mais visiblement, elle ne semblait pas si impressionnée que ça. Pourtant, il en dégageait, moi je l'aurais certainement été. Note pour plus tard : si tu recroises ce mec, le fous pas en rogne.

"Même les pédés boivent des cocas et remplissent les caisses. Vous seriez impressionnée par le profit que vous faites sur leur dos."

Là, je me suis relevé aussi, mais plus pour tenter de le calmer, parce que j'avais pas trop envie qu'il fasse une esclandre en plein milieu du bar. Parce que bon, ça valait pas la peine de se prendre la tête pour elle. En tous cas, c'était mon humble avis. Je lui ai fait la remarque d'ailleurs, mais cette nouille (elle, pas lui) l'a rouvert pour envenimer les choses. Rah, mais elle était conne ou quoi ? Elle voyait pas que je tentais de calmer le coup ? Fallait vraiment qu'elle en rajoute une couche ? Réponse est oui, il semble.

"Oh, mais moi j'ai rien contre." Qu'elle a commencé. "Tu fais ce que tu veux avec ton cul, mon joli. C'est les patrons qui aiment pas, alors qu'ils perdent un client pédé ou qu'ils le gardent, ils s'en foutent un peu, tu vois."

Malheureusement pour moi, Chomei m'a plus ou moins gentiment ignoré. Et a déclaré que puisque c'était comme ça, il boirait son coca chez lui, disant que c'était moins cher et que l'ambiance était de toutes façons meilleure. Et je ne puis qu'abonder en son sens. Parce que Mandy-barmaid est trop agressive à mon goût, que mon canapé est plus confortable, et que chez, moi, j'aurais pas été obligé de me contenter d'un jus de pamplemousse. Et sur ce, il prend sa veste et son sac et se tire. Et moi j'ai récupéré pull de moi et veste de moi, j'ai quand même déposé un billet sur la table, histoire de pas avoir d'emmerdes, et je l'ai suivi, sans vraiment savoir pourquoi, en laissant le beignet derrière moi. J'avais pas faim de toutes façons.

Je sais pas trop pourquoi je l'ai suivi. Peut-être parce que je sentais que je pouvais bien m'entendre avec lui, ou parce que je me sentais pas de rester seul dans ce bar après avoir eu plus ou moins des embrouilles avec Mandy-barmaid. Argh, ce que j'ai pu être con de sortir en chemise, il fait un froid de pingouin dans ce pays. Et je vous raconte pas ce que c'est comme galère que d'enfiler son pull sans lâcher sa veste. En tous cas, je sais que je retenterai pas. Donc ouais, je lui ai plus ou moins couru après, à Chomei, et je lui ai dit qu'il avait l'air furax. Et, encore une fois, il a grogné et haussé les épaules. D'après lui, c'était juste que le genre de comportement qu'elle a eu avait simplement tendance à l'horripiler (oui, c'est le mot qu'il a employé). Et donc, je lui ai très justement fait remarquer qu'elle devait simplement être conne et que par conséquent, il ne devrait pas y prêter attention. Et lui de me répondre que justement, il y faisait pas gaffe. Bref, ma voilà prévenu. Ne pas le mettre en pétard. Message reçu sept sur cinq.

Et puis il s'est souvenu que j'étais un grand blessé (par sa faute !!) et a ralenti le pas en demandant comment allait mon genou. Et donc, comme j'ai un peu une grande gueule, mais ça dépend des moments, j'ai répondu que j'allais m'en remettre, mais que c'était gentil de sa part de se soucier de moi. Et mon grand-gueulisme l'a visiblement calmé, puisqu'il a eu un léger sourire, et m'a demandé si j'habitais dans le coin et si je voulais une escorte pour rentrer. Bon, d'accord, j'avoue. Il l'a pas dit comme ça. Mais il aurait tout aussi bien pu. Bref. Je lui ai montré en me plaçant juste un peu derrière lui, et en pointant l'immeuble au bout de la rue, en face, qui est celui dans lequel je vis, et j'ai dit que c'était là bas que j'habitais. Et lui de hocher la tête sans dire un mot, puis de se tourner vers moi, et seulement après de reprendre la parole.

"Je te laisse rentrer alors, mon cours va pas tarder à commencer… Je peux te demander ton numéro de téléphone ?"

J'ai répondu par l'affirmative, parce que depuis que j'étais là, j'avais rencontré personne, et que lui me semblait bourré de sympathie, qu'il m'avait fait une bonne impression, et qu'il était bah, sympa quoi. Et donc j'ai fouillé dans mes poches, le temps de sortir un bloc notes et un stylo, et j'ai noté mon numéro, en prenant soin d'écrire mon nom avec, histoire de pas filer une feuille avec juste un numéro, et tu sais plus à qui il est, et tu reconnais pas l'écriture, et c'est galère. Et tout en notant, je lui ai demandé de quoi il était, son cours. Puis j'ai arraché la feuille et je la lui ai tendue. Et lui m'a remercié, et m'a répondu que c'était un cours d'anatomie. Ah. Monsieur fait médecine. Intéressant. S'il a un ou deux tuyaux ou adresses… En même temps, c'est pas comme si ma maladie était commune, hein… Mais "advienne que pourra", y parait. Puis tenter ne coûte rien.


Chapitre 4.

17 octobre 2007

Chapitre 2.

A l'aéroport, ma mère a pleuré et m'a serré contre elle à m'en étouffer. Mon père a fait quelque chose que je n'aurai jamais cru possible. Il m'a ébouriffé les cheveux et m'a pris dans ses bras. J'étais un peu abasourdi au début, mais je lui ai vite rendu son étreinte. Je suis pas con au point de ne pas apprécier un contact direct avec mon radin de père en la matière.

Et Eve… Elle pleurait aussi. J'ai caressé sa joue, et ma main s'est perdue dans ses cheveux. Une dernière fois, juste une dernière fois. C'est ce qui passait en boucle dans ma tête. Ce que j'aimais chez Eve, c'était le mélange entre ses yeux et ses cheveux. Ses yeux étaient noirs et sombres, et ses cheveux assortis étaient teintés d'une grosse mèche verte sur le côté. Elle l'avait faite en même temps que j'avais coloré les miens des nuances de l'arc en ciel.

J'ai déposé un léger baiser sur ses lèvres, et je suis parti directement. Je sais, c'est froid comme au revoir. Mais si je m'étais écouté et que je l'avais prise dans ses bras, et que je l'avais embrassée à en perdre haleine, j'aurais plus eu la force de partir. Elle le savait, et c'est pour ça qu'elle a pas insisté. De toutes façons, on s'était déjà dit au revoir.

Je me suis pas retourné, parce que je suis pas très fort, comme mec, en fait. Et j'avais pas envie de craquer. Donc j'ai avancé courageusement, les jambes tremblantes sous mon poids plume, et j'ai tendu mon billet à l'hôtesse.

"Ah, c'est vous…" Qu'elle m'a fait avec un sourire compatissant. "Attendez ici, je vous placerai."

Ouais. Comme on place les gamins qui voyagent seuls. Pas trop loin des hôtesses de l'air. C'est ce que j'aurais dû dire. Mais je me suis tu, parce que je savais que si j'avais parlé, ma voix aurait tremblé, et que j'aurais eu l'air d'un con. Alors j'ai hoché la tête puis je me suis accroupi contre le mur. J'ai fixé le bout de mes pompes, mon sac posé à côté de moi, et j'ai attendu que tous les autres qui avaient envie de partir pour Pittsburgh embarquent.

Et puis l'hôtesse, toujours avec son sourire plein de compassion qui me donnait envie de le lui arracher du visage s'est tournée vers moi.

"On va pouvoir y aller si vous voulez bien."

Evidemment que je veux, tu crois que je suis venu pour quoi sinon ? Pas pour regarder tes gambettes pendant trois plombes. Mais encore une fois, j'ai rien dit. Je me suis levé, ai balancé mon sac sur l'épaule et j'ai suivi la blondasse qui m'a installé, comme je l'avais prévu, pas trop loin des hôtesses de l'air. Gentille. Mes mains me démangeaient.

Elle a vérifié que ma ceinture de sécurité était bien attachée, m'a demandé au moins cinq fois si je me sentais bien. Et ce coup-ci, j'ai quand même répondu, parce que ça devenait quand même un brin humiliant.

"Vous savez, madame, je suis narcoleptique, pas impotent."

Le tout avec un sourire d'ange et un regard naïf. Elle a eu l'air surprise, et puis a ri en secouant ses cheveux, comme si elle faisait de la pub pour un shampoing. J'ai roulé des yeux.

"Tu es amusant, j'aime bien ton esprit. Et tu peux m'appeler Amanda."

Ouais. Plutôt mourir.

"C'est gentil, madame."

Son sourire s'est un peu figé, puis elle a du se dire que j'étais irrécupérable, parce qu'elle  est partie et m'a enfin foutu la paix. Elle a fait ses mimes débiles pour montrer les sorties de secours. Et puis elle est revenue me voir. Ah, ma tranquillité n'était que de courte durée. Elle aurait du me le dire, j'en aurai plus profité.

"Si tu as besoin de quoi que ce soit, fais-moi signe, d'accord."

J'ai pas répondu. Peut-être que si je l'ignorais, elle comprendrait que j'en ai rien à foutre d'elle. J'ai enfoncé mes écouteurs dans mes oreilles et mes mains dans les poches, et j'ai fermé les yeux. Si là, le message était pas assez clair, son cas était désespéré.

Je crois qu'elle est partie. Et moi, je me suis endormi. Pas d'hallucinations, ni de paralysie du sommeil. J'ai dormi d'une traite, pendant toute la durée du voyage. J'ai certainement sauté un repas, mais j'ai jamais faim, donc ça me dérange pas. Mais appelle-moi-Amanda n'était pas de cet avis, puisqu'elle est venue se planter devant moi dès que je me suis réveillé.

"Tu as sauté un repas, c'est pas sain."

"T'es qui ? Ma mère ?"

Ouais. Je suis pas du matin. Ou du soir. Bref, pas du réveil, quoi. Elle a froncé les sourcils.

"Tant que tu es dans cet avion, tu es sous ma responsabilité, vu que tu as un handicap."

Tiens, prends ça dans les dents. J'ai serré les poings, et les dents et j'ai encaissé. De toutes façons, des comme ça, j'allais encore en entendre. Forcément, j'avais vécu dans ma bulle pendant dix-sept ans. Tout le monde me choyait et me protégeait. Débarquer dans une grande ville, ça allait pas être une partie de plaisir.

"Alors mange quelque chose. Déjà que t'es maigre comme un clou. Les filles aiment les mecs bien foutu, crois-moi."

Prends pas ton cas pour une généralité.

"Je m'en fous, des filles…"

Ben oui, pour moi, il n'y avait qu'Eve. Alors les autres, si elle aimaient pas mes os saillants, elles avaient qu'à voir ailleurs. Je demandais rien à personne, moi.

"Les hommes non plus, tu sais."

… Quoi ? De quoi elle me parle, elle ?
Bon, j'ai mis le temps. Et j'ai rougi comme une pucelle. Mais je l'ai laissée croire ce qu'elle voulait. J'ai haussé les épaules. Et puis je l'ai vue me reluquer de haut en bas. Si, si, sérieusement. Une pièce de viande. C'est comme ça que je me suis senti.

"C'est dommage." Qu'elle a fait. "Tu me plaisais bien."

"Et alors ? T'as l'âge d'être ma mère."

J'ai jubilé quand j'ai vu la tronche qu'elle a fait. A proprement parler, elle avait pas l'âge d'être ma mère. La trentaine un peu passée, je pense. Mais ça lui apprendra à me traiter d'handicapé.

"Et puis je croyais que t'aimais pas les maigrichons."

Elle m'a tourné les talons, et j'ai souri, très fier de moi. Bon, j'ai fait moins le malin pendant l'atterrissage, et là, c'est elle qui a jubilé en voyant mon visage pâlir.

Une fois au sol, j'ai gentiment attendu que tout le monde sorte, vu que c'est ce que j'étais supposé faire, étant donné que j'étais sous sa responsabilité. Elle est venue me chercher et je l'ai suivi sans rien dire. Je crois qu'on était pas fiers de nous. Ni l'un, ni l'autre.

Arrivés à l'aéroport, elle s'est tournée vers moi, et m'a regardé froidement.

"Bon, c'est là que je te laisse. Ca va aller ?"

"T'inquiète, j'ai ma drogue dans ma poche."

Elle a roulé des yeux, et puis a finalement souri.

"T'es un sacré loustic, bonhomme."

"Je peux en dire autant de toi. J'me suis senti comme une merde, dans l'avion."

J'ai souri aussi, pour lui montrer que je lui en voulais pas.

"J'en ai eu, des p'tits cons sous ma responsabilité. Mais aucun ne t'arrive à la cheville."

J'ai haussé les épaules et ai enfoui mes mains dans les poches de mon jean.

"Je prends ça pour un compliment."

Finalement, elle m'a filé son numéro de téléphone sur un post-it, et je l'ai pris, tout en sachant que je n'en ferai rien. C'était juste pour pas partir fâchés. Et histoire que je me souvienne de la première fois qu'on m'a traité d'handicapé.


Chapitre 3.

17 octobre 2007

Chapitre 1.

La narcolepsie. Mon fardeau. C'est venu d'un coup, je me souviens exactement comment. J'avais douze ans. Elle s'appelait Eve. Alors que d'autres auraient rougi quand elle les aurait embrassés sur la joue, je me suis effondré. Je suis tombé comme une masse sur le sol. Elle a pris peur, et a appelé mes parents.

Ma mère a d'abord cru que j'étais mort, mais c'est une mère, alors c'est normal qu'elle ne pense pas de manière rationnelle. D'autant que la mienne, de mère est plutôt du genre surprotectrice. La maman poule de base, quoi. Elle a juré, a levé les bras au ciel en pleurant. Et mon père, il s'est approché de moi et m'a pris le pouls. Il est médecin mon père, et il est froid, aussi. Je me suis toujours demandé ce qu'un homme comme lui avait pu voir dans une femme comme ma mère. Mais ils s'aiment, alors je crois qu'on s'en fout en fait.

Je me suis réveillé comme une fleur, dans mon lit. Ma mère avait l'air inquiet, mon père avait un pli soucieux qui lui barrait le front. Et Eve était là, pâle, et les yeux plein de larmes. Je leur ai souri, et leur ai demandé ce qui n'allait pas. Ma mère a fondu en larmes, et mon père m'a dit les mots qui allaient changer mon existence.

"Tu es peut-être narcoleptique, Ilhan."

Bien sûr, au début, je n'ai pas compris. Et puis finalement, c'est entré dans ma petite tête. Ma mère m'a expliqué ce que c'était que la narcolepsie. J'allais m'endormir sans crier gare. N'importe où, n'importe quand.

Au début, j'ai trouvé ça marrant, comme principe. Mais quand on m'a expliqué que je ne pourrais plus me baigner sans surveillance dans l'océan, et qu'il faudrait que j'arrête la plongée sous-marine, j'ai tout de suite trouvé ça moins drôle. J'ai supplié une quelconque divinité de tout reprendre, et de me laisser me baigner et plonger comme avant. J'ai pleuré tout ce que j'ai pu, mais rien n'y a fait.

J'ai abandonné ma passion. Enfin, pas vraiment, ça me passionne toujours. Mais c'est différent. Maintenant, pour voir des poissons comme je les voyais, je suis obligé de payer un ticket pour un aquarium. Et c'est pas pareil. Ca n'a rien à voir.

J'ai fait des recherches sur le sujet. Ca m'a occupé pendant des années. Je passais mon temps à la bibliothèque de la ville la plus proche, Eve sur mes talons, pour s'assurer que tout allait bien. On est sortis ensemble tous les deux. Mais ça, on s'en fout aussi, ça fera pas avancer mon histoire. J'en reparlerai, d'Eve. Plus tard.

Donc, la bibliothèque. J'ai fait des recherches sur internet, dans des encyclopédies, des bouquins médicaux auxquels j'ai rien compris. Eve m'aidait autant qu'elle pouvait, mais ça n'a pas servi à grand-chose. C'est une maladie rare, et malgré tout peu connue. Enfin si, tout le monde a entendu parler d'un gus narcoleptique qui s'endort en cours, et les profs disent rien. Ca fait fantasmer. Mais à vivre, c'est carrément chiant.

Bon. Je sais que vous avez envie que je vous parle d'Eve, alors allons-y. Depuis le jour où on a découvert que je suis narcoleptique, elle ne m'a pas quitté d'une semelle. Je sais pas si c'est parce qu'elle se sentait responsable d'en être indirectement à l'origine ou pas, mais les faits sont les faits. Elle a été là pour moi quand j'en avais besoin, et je lui en serai éternellement reconnaissant.

On s'est jamais vraiment "mis ensemble" à proprement parler. Depuis le jour où je me suis endormi pour un bisou sur la joue, on s'est considéré un peu comme un couple. Je crois que c'est quelque chose comme ça, oui. Mais c'était plus comme de l'amitié poussée à l'extrême. Après, quand l'adolescence est venue, bien sûr qu'on a poussé la chose. On aurait été cons de pas le faire, en même temps.

Je vous passe les détails de ma vie d'ado. J'ai eu mes premiers émois, mes premières crises contre mes parents, ma première cigarette, ma première cuite aussi. Bref, des trucs dont on est pas forcément fier quand on y repense. J'ai eu une vie d'ado normal en somme. Sauf que la mienne était ponctuée de crises de roupillons, comme les a appelés Eve. Et sauf que j'avais plus de rêve.

Quand j'étais petit, je voulais être Cousteau. Bon, en plus classe, et sans le bonnet, mais je voulais explorer les mers, de dessus et de dessous. Mais allez conduire un bateau quand vous risquez de vous endormir à tout moment. Donc je ne suis pas devenu Cousteau. Et je ne savais plus à quoi rêver. De toutes façons, il n'y avait plus de place pour le rêve dans ma vie éveillée. Je rêve bien assez quand je dors, et je dors bien plus que la moyenne, croyez moi.

Plus de rêve, donc. Mais un but. Celui de trouver quelqu'un, au fil de mes recherches effrénées. Quelqu'un qui saurait soigner ça, ma tare, mon handicap. Quelqu'un qui, par sa science, serait capable de me refaire plonger dans la grande bleue un jour.

Oui, parce que je parle, je parle, mais en fait, vous savez rien de moi. Donc je m'appelle Ilhan, mais ça vous l'avez certainement compris. Je viens de Haïti. Donc forcément, c'était une torture pour moi de voir l'océan partout où je posais les yeux, et de savoir que je ne pourrais plus jamais plonger à moins d'un miracle.

Plus précisément, je viens d'un bled complètement paumé, au bord de l'océan. J'allais en cours dans une ville pas trop loin. Enfin, je dis ça, mais y'en avait pour deux heures de train aller et retour. Comme je l'ai dit, mon père est médecin. Et ma mère, même si on dirait pas vu comment je l'ai décrite jusque là, elle est avocate. Moi aussi, ça me fait bizarre.

Et je crois que voilà tout ce que vous avez besoin de savoir pour le moment. Pendant mes crises de révolte contre mes parents, la ou les quelconques divinités qui m'ont infligé ma narcolepsie, la société ou toutes ces conneries contre lesquelles on se révolte quand on a quinze ans, je me suis teint les cheveux. Mais pas en rouge ou en noir, comme tous les autres ados de base.

Mes cheveux, ils ont les couleurs de l'arc-en-ciel. Ils sont verts, roses, jaunes, bleus, violets. Ils sont coupés irrégulièrement, et je peux avouer sans risquer de me vanter qu'ils sont totalement uniques (forcément). Ma peau est aussi hâlée que celle des autres habitants de mon île et mes yeux sont verts. Je suis grand, mais pas trop, je tiens ça de mon père. Par contre, alors que mes deux parents sont plutôt, euh, bien en formes, dira-t-on, je suis plutôt carrément fin.

Et puis, à quinze ans, j'ai eu ma révélation. C'était sur internet, à la bibliothèque, et c'était Eve qui l'avait trouvé. Elle m'a appelée, et j'ai vu qu'elle avait l'air nerveux. Elle se mordillait la lèvre inférieure, et évitait de me regarder dans les yeux. J'étais à l'autre bout de la bibliothèque. Elle m'a pris par la main et m'a guidé à travers les rayons jusqu'à l'ordinateur sur lequel elle faisait ses recherches.

"Tiens, regarde…"

J'ai regardé. Et j'ai vu.

Un hôpital, dans une ville en Pennsylvanie. Le "University of Pittsburgh Medical Center", plus précisément. Et cet hôpital là, il avait un site web. Et sur ce site web, dans une section complètement paumée, il y avait marqué qu'ils faisaient des recherches sur la narcolepsie.

Alors, j'ai pris ma décision. J'en ai pas parlé au début, parce que je savais que ça ferait flipper ma mère, et que ça causerait beaucoup de peine à Eve. Je l'ai embrassée pour la remercier, et lui ai dit que ça faisait loin, quand même. Elle a souri, et a eu l'air plus détendu. Et je me suis dit que j'avais bien fait de ne rien dire.

J'ai bossé comme un malade pendant deux ans, passant d'élève moyen qui pourrait mieux faire s'il se donnait les moyens au meilleur élève de la classe. Mes profs étaient scotchés, et mes parents au moins autant. Ca a surpris Eve au début, et elle s'est demandé ce qui m'était passé par la tête, mais elle a compris, je crois.

"Tu vas partir, hein ?"

C'était peu après mon seizième anniversaire. On était tous les deux allongés dans mon lit (je vous passe les détails, je tiens à ma vie privée). J'ai fait semblant de ne pas comprendre de quoi elle parlait. Elle a insisté.

"A Pittsburgh. Tu vas y aller, hein ?"

Sa voix tremblait, et j'ai compris qu'il valait mieux que j'arrête de faire le con. Alors je l'ai serrée contre moi, et je lui ai dit que oui, que j'allais partir.

"Alors, tes notes… C'était pour avoir une bourse ?"

J'ai hoché la tête. L'ennui, quand on passe quatre ans de sa vie avec une personne, c'est que cette personne finit par nous connaître mieux que quiconque, et qu'elle est capable de lire en nous comme dans un livre ouvert. Eve, c'était ça.

Ce soir là, elle a pleuré dans mes bras, et je ne me suis pas endormi. Je suis resté éveillé à ses côtés, en lui murmurant tout ce qui me passait par la tête pour la rassurer. Ca n'a pas bien marché. Mais elle sait que je voulais vraiment la consoler, alors elle a fait comme si. Et puis elle avait compris l'intention, alors je pense qu'elle était touchée quand même.

"Et si je venais avec toi…?"

Elle m'a dit ça quelques semaines plus tard, on était au bord de la plage, dans l'eau jusqu'aux cuisses. Elle m'a pris au dépourvu, parce qu'elle savait que c'était comme ça qu'elle risquait de m'avoir. Si on me laisse le temps de réfléchir aux choses, j'analyse, et je comprends. Mais si on me prend à brûle pourpoint sans que je m'y attende, j'ai tendance à foncer tête baissée comme un con. Mais je me suis pas fait avoir.

"Non."

De nouveau, y'avait des larmes dans ses yeux noirs. Pourtant, j'avais envie qu'elle vienne avec moi, et qu'elle soit là pour me soutenir. Mais je pense que je me connais quand même un peu mieux qu'elle ne me connaît. C'est pour ça que j'ai refusé.

"Parce que je veux faire ça seul, et revenir quand je serai guéri. Et j'ai pas envie que si rien ne marche comme prévu, tu sois là à me soutenir, et à tout supporter sur tes épaules."

Elle a compris, je crois. De toutes façons, si une personne au monde peut me comprendre, c'est bien elle. Elle a juste hoché la tête, et ses larmes ont coulé. Mais cette fois, quand j'ai voulu la prendre dans mes bras, elle s'est écartée. Alors, je me suis endormi.

C'est con à dire, hein ? Ca casse complètement tout le rythme de l'histoire. Je vous avais tous, là, avec la gorge nouée et les yeux qui avaient envie de pleurer. Et puis je m'endors. C'est con, c'est très, très con. Ben, ma vie, c'est tout le temps comme ça.

Et encore, je ne vous parle là que de l'endormissement, parce que c'est le symptôme le plus connu. Mais y'en a deux autres, qui sont encore plus pénibles, parce qu'on reste totalement conscient.

Y'a la cataplexie. Ca fait savant comme ça. C'est en fait une paralysie musculaire. Ca peut être la mâchoire, ce qui du coup, rend incapable de parler (je vous raconte pas l'effet devant les profs lors des exposés). Ca peut être la tête qui s'affaisse, les genoux qui se dérobent, ou tout moi qui part en arrière parce que je contrôle plus rien. Et le plus effrayant, c'est que pendant le temps que ça dure, on reste totalement conscient.

Je vous raconte pas comment j'ai flippé les premières fois. Et puis, comme c'est moi et que je suis un peu blasé comme mec, ben les fois suivantes, j'ai juste attendu que ça passe. Alors c'est passé bien plus vite. Et j'ai appris que plus on paniquait, plus on prolongeait l'état de paralysie. Ce qui m'a été confirmé peu de temps après par mon ami google.

Mais y'a aussi les hallucinations. Sympa aussi. Mais bon, c'est moins fréquent. Et tant mieux, parce qu'en général, les visions sont plutôt flippantes. C'est au moment de m'endormir le soir, ou quand je me réveille. C'est parfois des visions, parfois, j'entends des trucs, et parfois, j'ai même l'impression que quelque chose me frôle. Je déteste ça. Ca me donne l'impression d'être taré, alors que je le sais, moi que j'ai toute ma tête ! J'ai même une case sommeil en trop, alors… Mais bon. Ca, ça va. Ca m'arrive pas trop souvent.

Et une autre petite réjouissance, c'est la paralysie du sommeil. C'est-à-dire que quand je me réveille ou que je m'endors, je suis parfois totalement paralysé. C'est comme la cataplexie, sauf que c'est juste aux moments où je m'endors ou me réveille. J'ai conscience de tout ce qui m'entoure, mais je suis incapable de bouger. Mais bon, il parait que je suis chanceux, parce que ça ne m'arrive pas souvent. Apparemment y'a des gens qui ont ça fréquemment. Je suis supposé me réjouir ? Désolé, j'arrive pas. Je serai content quand je serai Cousteau.

Comment j'ai digressé, honte à moi. Bref, donc j'avais l'intention de partir et de laisser Eve derrière moi. Enfin, pas totalement, moi je voulais qu'on reste ensemble. Parce que si j'avais pu, j'aurais voulu l'épouser, Eve. Mais bon. Tout ne se passe pas toujours comme on aimerait. Sinon j'aurais continué à plonger.

Quelques mois après notre discussion sur la plage, mon père est revenu à la maison avec un sourire. Ca m'a fait franchement bizarre, j'ai cru qu'il avait une crampe. Déjà que c'est rare de le voire sourire tout court, je vous raconte pas l'effet que ça fait quand le sourire fait trois fois le tour de sa tête.

"Mon fils, j'ai une bonne nouvelle pour toi."

"Tu as enfin découvert que tu m'avais donné un prénom il y a seize ans ?"

Oui, je suis un peu effronté. Mais seulement de temps en temps. Parce que je suis souvent complètement à la masse. Genre deux de tension. Et puis j'ai répondu cette fois là, parce que je sais pas pourquoi, mais mon père m'appelle jamais par mon prénom. Toujours "mon fils" ou "fiston". Pourtant, c'est lui qui l'a choisi, mon prénom. Et puis j'aime bien Ilhan, moi.

Bref, il a secoué la tête et levé les yeux au ciel, ce qu'il fait souvent lorsqu'il s'agit de moi.

"Regarde ce que j'ai eu."

Et il a sorti deux flacons de son sac et les a exhibés devant mon nez avec un air triomphant presque aussi effrayant que son sourire de dément. Bien, chouette, de quoi fallait-il que je me réjouisse ? J'ai haussé les épaules, et ai répondu de façon très peu élégante.

"Qu'est-ce que tu veux que ça me foute ?"

Il a de nouveau levé les yeux au ciel.

"Ce sont des médicaments contre la narcolepsie."

Je vous jure. Je me suis endormi direct. Et oui, encore une fois, ça casse tout. Mais c'est souvent sous le coup d'émotions que je m'endors. Alors forcément, on me dit que ça risque de ne plus m'arriver, ben, je le fais une dernière fois, pour bien en profiter.

Mais en fait, c'était une fausse joie. Ben oui. Sinon j'aurai épousé Eve, et j'aurais pas dit juste avant que tout ne se passe pas toujours comme on veut.

Les médicaments ne soignaient pas la maladie, mais apaisaient seulement les symptômes. Bon, c'était déjà ça, mais ça ne suffisait toujours pas à ce que je devienne Cousteau, ou que je plonge.

J'ai pu vivre presque normalement, si on ne prend pas en compte le fait que j'étais obligé de me droguer constamment. Eve a cru que je pourrais vivre comme ça. Mais au final, elle a bien vu que ça m'emmerdait plus qu'autre chose. Bon, j'avoue, c'était chouette de s'endormir moins qu'avant, et de ne presque plus avoir de crises de cataplexie. Mais je voulais me guérir totalement, et pas être dépendant d'une boite de pilules.

Et elle l'a compris, Eve. Alors, sans que je le sache, elle en a parlé à mes parents. Et pour mon dix-septième anniversaire, elle m'a offert mon aller simple pour Pittsburgh. Et le cadeau de mes parents ? Un appartement. J'avoue : ils ont pas fait les choses à moitié.

Mon départ était prévu pour dans trois semaines. Et avec Eve, on a profité du temps qu'il nous restait ensemble pour se découvrir différemment. C'était drôle. Nos rapports avaient tous un goût de dernière fois. C'était à la fois triste et passionné. Et… je sais pas, mais… rien que d'y repenser, j'ai une boule dans la gorge. J'aime pas être sentimental.

Mais bref. On a aussi longuement discuté avec Eve. Et elle a compris pourquoi je ne voulais pas qu'elle me suive. Et du coup j'ai compris aussi que l'empêcher de me suivre ça signifierait qu'il faudrait que je la laisse partir. J'en avais pas envie, je voulais la garder rien que pour moi.

"Mais, tu sais Ilhan… Tu as peur de ta réaction si jamais tu pars pour rien, d'être irritable à cause de l'attente, et tu ne veux pas m'imposer ce poids en plus. Ca sera pareil si tu es loin. Ca sera pire si t'es loin, parce que…"

Elle s'est interrompue, et a laissé passer un sanglot.

"Ca sera pire, parce que je serai pas là, et que je pourrai rien faire. Je veux pas être impuissante, je le suis déjà assez."

Elle m'a comprise, et j'ai compris aussi. Et du coup, j'ai compris aussi pourquoi nos dernières fois avaient ce goût de dernières fois. C'est parce que c'en étaient. Qu'elle avait décidé que si je partais sans elle, ça serait terminé, notre histoire d'amour.

Alors, on s'est dit au revoir devant l'océan. Je l'ai serrée contre moi, et je l'ai sentie pleurer. Alors j'ai pleuré aussi. Normalement, je me serais endormi, mais les médicaments que j'avais dans la poche arrière de mon jean trempé étaient assez efficaces pour me permettre de pleurer.


Chapitre 2.

17 octobre 2007

Message de bienvenue.

Bonjour les gens, tout ça, tout ça.

Un petit message de présentation et de bienvenue, pour vous expliquer qui est Ilhan, et pourquoi il a droit à son propre blog personnel.

Ilhan est un personnage qui squatte la tête de Rupy depuis un petit moment déjà. Ilhan a dix-sept ans. Ilhan est narcoleptique. Ilhan a les cheveux aux couleurs de l'arc-en-ciel. Et Ilhan a droit à son propre blog personnel parce que Rupy voulait un design bien à elle, une bannière faite de ses blanches mains, et des couleurs plus jolies que celles de fictionpress, et surtout qu'elle en avait marre de la popup publicitaire qui s'ouvrait tout le temps.

En ce qui concerne les mise à jours, aucune régularité n'est à attendre. Rupy est une grosse feignasse, elle avance quand elle peut. Elle aimerait bien pendant les cours, mais il vaut mieux qu'elle prenne sagement ses notes pendant ce temps.

A présent, il ne vous reste plus qu'à passer une bonne journée, et à apprécier la lecture.

Chapitre 1.
(et ça me fait super bizarre de parler de moi à la troisième personne u_u)

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Ilhan ☆
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